
Il était une fois, un immense ballon flottant majestueusement dans le ciel de la région de Jouarre, un ballon si grand qu’il semblait toucher les nuages. C’était le Lebaudy n°2, un dirigeable révolutionnaire, fier produit de l’ingéniosité des frères Lebaudy et de l'ingénieur Julliot.
Le 6 juillet 1905, le ciel était encore calme alors que l’engin traversait les vastes plaines, observé par des milliers d’yeux ébahis. Mais ce jour-là, la météo allait transformer cette paisible traversée en une aventure périlleuse, gravée à jamais dans l’histoire de Jouarre.
Une ascension pleine de promesses
Loin au-dessus des maisons et des champs, le dirigeable poursuivait son voyage, contrôlé de main de maître par son pilote, M. Juchmès, et assisté de l'ingénieur Henri Julliot. Leur mission était simple : tester le potentiel militaire de l’aéronef. Mais même les hommes les plus brillants ne pouvaient prévoir ce qui les attendait...
Ce matin-là, les habitants de Jouarre avaient entendu dire qu’un immense dirigeable survolerait leur commune. Les enfants couraient dans les rues, désireux de voir cette machine volante dont tout le monde parlait le Lebaudy, surnommé « Le Jaune ». Avec ses 67 mètres de long, il était aux yeux aux yeux de tous très impressionnant.
La tempête surgit

Vers la fin de l’après-midi, les nuages commencèrent à s'amonceler. Un vent frais se leva, d’abord léger, puis de plus en plus violent.
Dans le village, les habitants rentraient chez eux en hâte, tandis que le ciel se faisait de plus en plus menaçant. Bientôt, des éclairs zébrèrent l'horizon, et ce qui n’était qu’une légère brise devint une véritable tempête.
Dans le dirigeable, on sentait la tension monter. Le vent faisait vaciller le ballon, le poussant hors de son cap. Les ordres fusaient, les hommes s’activaient pour tenter de maintenir le cap de l’engin. Mais malgré tous leurs efforts, il était clair que le Lebaudy n°2 devait trouver un lieu d’atterrissage au plus vite.
C’est alors que l'immense ballon fut contraint de descendre vers une petite vallée, à proximité du château de Venteuil, dans les bois de Sept-Sors.
L'atterrissage au château de Venteuil
Sous la pluie battante, l'équipage du Lebaudy parvint, tant bien que mal, à poser le ballon sur les terres du château de Venteuil, appartenant à M. Adrien Fizeau (gendre du célébre Adrien de Jussieu), ancien maire de la commune et officier de réserve.
À peine le ballon au sol, les habitants du château accoururent pour offrir leur aide. La situation était critique : le ballon, encore rempli de gaz, menaçait de s’envoler à tout moment.
Dans le tumulte de la tempête, les hommes de l'aéronef et les habitants du château luttèrent avec acharnement. Ils attachèrent solidement le ballon à de lourdes roches, tout en évitant les éclairs qui illuminaient la nuit comme en plein jour.
Pendant près de deux heures, ils résistèrent aux éléments déchaînés, la pluie martelant leurs visages, le vent hurlant à leurs oreilles. Le courage des villageois et de l'équipage permit de sauver le Lebaudy d'une catastrophe certaine.
L'aube d'un nouveau jour
Au petit matin, la tempête s’était apaisée. Le vent soufflait encore, mais le soleil se levait lentement à l’horizon, baignant le château de Venteuil dans une douce lumière.
Le dirigeable, malgré la fureur de la nuit précédente, était toujours là, flottant paisiblement au-dessus du sol. Les réparations pouvaient commencer.
Des voitures arrivèrent de Meaux, transportant des tubes de gaz pour regonfler le ballon. À huit heures, tout était prêt. M. Juchmès et son équipage montèrent de nouveau à bord du Lebaudy, et après un dernier salut à M. Fizeau et aux braves gens du château, le dirigeable s’éleva lentement dans les airs, reprenant son vol vers l’est.
Un souvenir gravé dans la mémoire de Jouarre
Le départ du ballon ne marqua pas la fin de cette histoire. Pendant des jours, les habitants des villages voisins vinrent par milliers pour voir l’endroit où le grand Lebaudy avait atterri. « Cette interminable procession a été d’un très heureux résultat pour le commerce local », rapporta même la presse de l'époque.
Et bien que la mission militaire ait finalement repris son cours, les habitants de Jouarre et de Venteuil n'oublieront jamais cette nuit où le ciel se déchaîna, et où un ballon géant s’abrita chez eux, entre courage, entraide et admiration.

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