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Photo du rédacteurGabrielD

La carte de Cassini : À la découverte de Jouarre et de ses alentours en 1750


La carte de Cassini, feuille n°45, publiée en 1757 à partir de relevés effectués entre 1750 et 1752, nous offre une vision unique de Jouarre et des hameaux environnants au XVIIIe siècle. En observant cette carte, on peut explorer la géographie de notre région avant l'ère des aménagements modernes et redécouvrir des détails fascinants sur l'organisation de notre territoire à cette époque.


Des noms d'autrefois : Courcelle les Prés, Rominy et Vanteuil

Sur cette carte, plusieurs noms de lieux apparaissent sous des formes anciennes. Par exemple, Courcelles-sous-Jouarre est indiqué comme "Courcelle les Prés", évoquant les prairies de cette région. Romeny est orthographié "Rominy", et Venteuil devient "Vanteuil", des variantes qui reflètent des usages locaux ou des choix de transcription de l’époque. On remarque aussi la présence de la croix de Romeny, un repère ancien déjà indiqué à cette époque.


Jouarre : un village perché et une abbaye mystérieuse

Jouarre est représenté sur le plateau avec ses deux clochers, donnant l'impression que le village veille sur la région environnante. Pourtant, un détail dans la légende de la carte prête à sourire : elle mentionne une "abbaye d'hommes" pour Jouarre, alors que l’abbaye est surtout célèbre pour son abbaye de bénédictines. Peut-être une façon discrète de mettre en avant les hommes... ou un léger trait de misogynie de l'époque, qui tenait à attribuer à Jouarre une abbaye masculine malgré la prédominance des sœurs bénédictines ! Cette mention ajoute une petite touche d'ironie à cette représentation du village.


L’absence de la route vers Coulommiers

Un autre aspect intéressant est l'absence de la route moderne reliant Jouarre à Coulommiers. À cette époque il semblerait que la route principale obligeait de passer par Rebais pour rejoindre Coulommiers, ce qui rallongeait considérablement les trajets. Ce réseau de chemins témoigne d’un temps où les voies étaient influencées par les reliefs naturels et les obstacles, bien loin des tracés plus directs des routes actuelles.


Doüe : une colline bien en vue

La commune de Doüe est également représentée sur cette carte, perchée sur une colline bien visible. Sa position élevée lui confère une place distincte dans le paysage, offrant certainement un point de vue dégagé sur la vallée environnante. Cette représentation souligne l'importance de la géographie dans la perception des villages à l’époque.


Les Étangs du Plateau de Jouarre : Un Paysage d’Eau et de Patrimoine


En parcourant la carte de Cassini, on est frappé par la multitude d'étangs qui parsèment le plateau autour de Jouarre. Au XVIIIe siècle, ces étangs étaient bien plus qu'un élément du paysage ; ils jouaient un rôle central dans la vie économique et sociale de la région. La région comptait alors près d’une centaine d’étangs, répartis dans les paroisses de Jouarre, Pierrelevée, Villemareuil, Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux, Saint-Fiacre et La Haute-Maison.


Un Réseau d'Étangs Connectés

Les étangs de cette région étaient souvent organisés en "batterie", alignés les uns après les autres dans les vallons et les dépressions naturelles du plateau. Alimentés par des ruisseaux et parfois des sources souterraines, ces étangs formaient un système ingénieux où l'eau circulait de l'un à l'autre, permettant une gestion efficace des ressources en eau. Les sols imperméables de la Brie facilitaient la création de ces plans d'eau, tandis que les moines de l'abbaye de Jouarre jouaient un rôle clé dans leur construction et leur entretien.

Les chaussées qui retenaient l'eau servaient également de chemins reliant les fermes et les hameaux, illustrant bien l’ingéniosité de l’époque pour combiner utilité économique et infrastructure de transport.


Une Économie Centrée sur le Poisson

Ces étangs étaient utilisés principalement pour l’élevage de poissons, en particulier de carpes et de brochets, destinés aux marchés de Paris. Durant le Carême, période où la consommation de viande était restreinte, ces poissons devenaient des denrées précieuses. Les moines et les religieuses, experts en aménagement hydraulique, géraient ces étangs avec soin pour fournir une production régulière et stable, même en période de sécheresse.

À l'époque, la paroisse de Jouarre comptait ainsi environ 305 hectares d’eau, soit une surface conséquente pour l’élevage. Pierrelevée et La Haute-Maison étaient également des centres importants de cette activité, avec respectivement 208 et 190 hectares d'étangs, représentant plus de 10 % de leur superficie.


Le Déclin des Étangs et les Conséquences Aujourd'hui

À la fin du XVIIIe siècle, la pression pour transformer les terres en champs agricoles s'intensifie, et avec la Révolution, un décret de dessèchement des étangs en 1794 accélère ce processus. Beaucoup de ces étangs furent asséchés pour libérer de nouvelles terres cultivables, en réponse à une demande croissante de production céréalière. Aujourd'hui, la plupart ont disparu, mais on en retrouve encore quelques traces dans le paysage et dans la mémoire locale.

Cette disparition a cependant des conséquences. Lors de fortes pluies, l'eau qui ruisselle sur le plateau briard n’est plus retenue par les bassins naturels des anciens étangs, ce qui augmente les risques d'inondations. La nature tend à reprendre ses droits, et ce qui fut autrefois un vaste réseau de retenues d'eau pourrait bien expliquer pourquoi certaines zones sont aujourd'hui sujettes à des inondations rapides et imprévisibles.

En observant ces ensembles d'étangs sur la carte de Cassini, on comprend mieux le rôle qu'ils jouaient dans la gestion des eaux et pourquoi leur absence se fait encore sentir lors des épisodes pluvieux intenses.



La Carte de Cassini, une Fenêtre sur le Temps

La carte de Cassini est bien plus qu'une simple illustration ancienne ; elle est un précieux témoin de l’histoire de Jouarre et de ses environs. À travers ses tracés, elle révèle un territoire façonné par des choix de vie adaptés au relief, aux ressources naturelles et aux besoins de l’époque. Les nombreux étangs et les chemins détournés illustrent un mode de vie où l’eau, la terre et les villages formaient un équilibre unique.

Ces étangs, aujourd’hui disparus pour la plupart, nous rappellent l’ingéniosité des anciens dans la gestion de l’eau. Le paysage que nous voyons aujourd’hui est, en partie, le fruit de ces transformations, et il est fascinant de constater que certains défis actuels, comme le ruissellement des eaux sur le plateau, trouvent leurs racines dans l’évolution de ce territoire.


Ainsi, la carte de Cassini nous invite à reconsidérer notre rapport au patrimoine naturel et à notre histoire locale. En observant cette carte, nous découvrons non seulement un passé riche et complexe, mais aussi des indices sur la manière dont ce passé continue d’influencer notre présent.


Découvrez la carte en Haute résolution en clicquant sur l'image ci dessous :


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