Centre d’accueil à Jouarre : Enquête sur un projet opaque et contesté
- GabrielD
- 1 mai
- 5 min de lecture

Un projet opaque qui inquiète
Depuis plusieurs mois, un projet d’installation d’un centre d’accueil d’urgence géré par le 115 au château de Perreuse suscite des interrogations légitimes à Jouarre et dans la commune voisine de Signy-Signets. Derrière les discussions administratives et les échanges houleux en conseil municipal, c’est une véritable question d’intérêt général qui se pose : pourquoi un dossier aussi sensible a-t-il avancé sans que la population ni le conseil municipal n’en soient véritablement informés ? Retour sur les faits.
Qu’est-ce que le 115 ?

Le 115 est le numéro d’urgence sociale qui permet à toute personne sans-abri ou en détresse d’être mise à l’abri rapidement.
Les centres d’accueil gérés par le 115 hébergent des publics très variés : familles en grande précarité, demandeurs d’asile, personnes isolées en rupture sociale.
L’objectif est d’assurer une mise à l’abri immédiate, en général temporaire, dans des conditions parfois éloignées des centres urbains, ce qui peut compliquer les démarches d’insertion et d’accès aux services essentiels.
Acte 1 : une révélation en conseil d’agglomération
Le 8 avril 2025, lors du conseil d’agglomération, M. Rimbert, conseiller communautaire et élu d'opposition à Jouarre, interpelle le président de l’agglomération sur un projet inconnu du public : l’installation d’un centre d’accueil d’urgence au château de Perreuse. Le président confirme qu’il a récemment été informé, précisant que le projet concerne Jouarre et Signy-Signets. M. Fourmy, maire de Signy-Signets, détaille qu’une structure privée envisage d’acquérir le château pour le transformer en centre d’accueil. Il explique avoir d’abord signé une charte d’engagement tripartite avec Jouarre et la structure porteuse du projet, avant de se rétracter sur recommandation des services de l’État, mettant en avant les impacts potentiels sur sa commune et ses écoles.
Le maire de Jouarre, manifestement agacé que ce sujet soit abordé publiquement, confirme être à l’origine de la rédaction de la charte d’engagement, expliquant qu’il voulait « essayer de cadrer ce projet pour ne pas se retrouver avec un nouveau Sangatte ». Il met en avant l’urgence pour le propriétaire du château de vendre un bien dont la charge s’élève à près de 700 000 euros par an en entretien et gardiennage. Selon lui, il n’avait aucun pouvoir d’empêcher ce projet car il s’agissait d’une opération privée. Le président de l’agglomération le contredit fermement, précisant qu’un maire peut s’opposer à l’installation d’un tel établissement sur sa commune.
Acte 2 : tensions en conseil municipal
Lors du conseil municipal de Jouarre le 11 avril, l’opposition interroge à nouveau le maire. Ce dernier confirme qu’il s’agit d’un projet privé visant l’accueil d’urgence pour environ 80 personnes (chiffre qui sera ensuite corrigé) et rappelle avoir pris l’initiative de faire rédiger la fameuse charte tripartite. L’opposition demande à consulter cette charte, mais malgré des relances répétées, le document ne leur à toujours pas été transmis à ce jour.
Les élus d’opposition expriment alors leur profonde inquiétude : aucune information n’a été partagée avec le conseil municipal en amont, aucune étude d'impact n’a été réalisé concernant l’accueil potentiel d’enfants dans les écoles locales, ni sur la réinsertion des personnes hébergées dans un site isolé au cœur des bois, sans accès aux transports publics. Visiblement irrité, le maire balaie ces inquiétudes et conseille même de « ne pas en parler aux Jotranciens ».
Dans un climat particulièrement tendu, le maire tient des propos peu dignes d’un débat démocratique en expliquant que si le maire de Signy-Signets s’est désengagé, c’est parce qu’« il se chie dessus ». Il persiste à affirmer qu’un maire ne peut pas bloquer ce genre de projet, justifiant ainsi sa démarche de rédiger la charte. L’opposition reste sceptique face à cette interprétation juridique et à la méthode employée.
Acte 3 : des révélations troublantes
Le 30 avril 2025, l’opposition revient à la charge lors d’un nouveau conseil municipal, armée cette fois de nouvelles preuves : un courrier de la préfecture retraçant toute l’historique du projet. Ce document montre que le projet était déjà connu des services de l’État depuis fin décembre 2024 et que leur soutien était conditionné par la signature de la charte par les deux communes concernées. Ce point est essentiel : contrairement à ce qu’a laissé entendre le maire, la signature des deux maires était un élément-clé pour valider ou non le projet.
De plus, alors que le maire avait précédemment parlé d’un accueil de 80 personnes, il apparaît que le centre devrait en réalité compter 85 chambres pour accueillir jusqu’à 200 personnes, soit une augmentation de près de 5 % de la population de Jouarre. Le courrier révèle également que les service de l’État a finalement donné un avis défavorable, expliquant que si ce projet venait à être réalisé, la commune serait passée d’un taux de 10/1000 habitants à 56/1000 en termes de places d’hébergement d’urgence, alors que la moyenne départementale est de 26/1000 pour les communes qui accueillent ce genre de structure.
Lors de ce conseil municipal, le maire réitère ses explications mais va plus loin dans ses critiques, reprochant au président de l’agglomération de faire preuve « d’ingérence » et qualifiant la situation de « foutage de gueule ». Malgré les nouvelles informations portées à sa connaissance, et bien que les élus d’opposition aient à nouveau demandé à consulter la charte d’engagement, celle-ci n’a toujours pas été transmise au conseil municipal.
Des questions majeures restent en suspens
Ce dossier soulève des interrogations fondamentales : pourquoi le maire de Jouarre continue-t-il de maintenir sa signature alors même que le maire de Signy-Signets s’est désengagé et que les services de l’État ont émis un avis défavorable ? Pourquoi les élus municipaux et la population n’ont-ils pas été associés à la réflexion dès le départ ? Pourquoi aucun retrait officiel de la signature de Jouarre n’a été annoncé malgré la suspension du projet ?
Le projet pose aussi une question de fond : comment insérer dignement des personnes vulnérables dans un site aussi isolé, sans transports, sans étude d’impact sérieuse sur la commune et ses écoles ? Le manque de transparence dans ce dossier est d’autant plus préoccupant qu’il touche directement la vie locale et l’équilibre du territoire.
En conclusion : une vigilance nécessaire
Ce dossier met en lumière une gestion municipale marquée par l’opacité et un certain mépris pour le processus démocratique. La population de Jouarre, solidaire par nature, n’a jamais rejeté l’idée d’aider les plus démunis. Mais elle est en droit d’attendre des décisions réfléchies, concertées et respectueuses des réalités locales. À ce jour, le maire n’a toujours pas retiré sa signature de la charte tripartite ni expliqué clairement son entêtement à poursuivre cette voie. La question reste donc entière : quel est l’intérêt des Jotranciens dans ce projet ? Cette affaire mérite plus que jamais transparence et responsabilité.